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CONTENTS.*

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XIX.
Affaire du navire américain le Franklin. — Il sort du portmalgré les canons du Fort. — Lettre du Padre Prefecto. — Nous chargeons de chevaux. — Retour du Wa-verley. — M. R.... n'est pas à bord. — Nau-frage du Teigne-Mouth. — Nous quittons la Californie. — Arrivée aux Iles Sandwich. — Le Roi Kaou-Keaouli chez Boki. — Em-bonpoint des Chefs et des Princesses. — Cos-tumes. — Les Sandwichiennes. — Le Roi vient à bord. — La Reine Kaou-Manou. — Amusements sur l'eau. — Montagnes — Russes des Sandwichiens. 241
XX.
Les Missionnaires Français et les Missionnaires Américains. — Cruautés et Despotisme de ces derniers. — Voyage à Way-Aroua. — Scéûe imposante. — Cau-chemar. — Excursions de Chasse. — Utilité des Iles Sandwich pour les Navigateurs. — Delà garantie qu'il conviendrait de donner à cet Archipel. — Changements désiraMÊS dans leur Gouvernement. — Culture. — Voyage à Pearl-River. — Le Grand-Prétre. — Les Ba-leiniers. — Le Bourreau. — La Traite des Pelleteries presque nulle aujourd'hui. — Les Causes. — Départ pour Canton. 279


PLATE.
Vue du port et la vallée d'Anaroura dans l'île de Waho. Facing 279


OTHER.
Transcription notes. Notes
Biographical notes for A. Duhaut-Cilly. Biography
Bibliographical note. Source

      *This page has been added by the transcriber.

XIX.

Affaire du navire américain le Franklin. — Il sort du port malgré les canons du Fort. — Lettre du Padre Prefecto.— Nous chargeons de chevaux. — Retour du Waverley. — M. R.... n'est pas à bord. — Naufrage du Teigne-Mouth. — Nous quittons la Californie. — Arrivée aux Iles Sandwich. — Le roi Kaou-Keaouli chez Boki. — Embonpoint des Chefs et des Princesses. — Costumes. — Les Sandwichiennes. — Le Roi vient à bord. — La reine Kaou-Manou. — Amusements sur l'eau. — Montagnes — Russes des Sandwichiens.

      Plus un homme est loin de sa patrie, plus il sent qu'il a besoin d'appui. Alors, pour un Parisien, tout Parisien est un parent; pour un Français, tout Français est un ami; pour un

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Européen, tout Européen est un compatriote, un concitoyen. Le marin étend encore beaucoup plus loin cette communauté de sentiments. Il lui suffit que le nom d'un homme soit inscrit sur le rôle d'équipage d'un navire quelconque, pour qu'il le regarde comme un enfant de la grande famille, comme un frère; il l'accueillira, le défendra, se sacrifiera pour lui; mais surtout il regardera comme ignominieux de servir d'instrument dans toute mesure qui aurait pour objet de vexer un homme de sa profession. On trouvera dans ce chapitre une circonstance où se manifesta cette sympathique alliance à laquelle s'unit tout l'équipage du Héros.

      En entrant dans le port de San-Diego, nous mouillâmes dans la position que nous avions toujours occupée; mais aussitôt je reçus l'ordre de remonter plus haut, sans qu'on me donnât aucun motif de ce changement; j'avais seulement remarqué que trois navires américains, qui se trouvaient dans le port, étaient comme

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échelonnés sur toute la longueur du canal: le plus enfoncé était le trois-mâts le Franklin, mouillé à cinq milles de nous; le brick-goëlette la Clio était dans une position intermédiaire, et le brick Andes était près de nous.

      Il n'y avait que quelques instants que nous avions jeté l'ancre, lorsqu'un officier, nommé Ramirez, se présenta sur la plage et hêla pour avoir une embarcation, qui lui fut expédiée, montée par quatre hommes, et qui revint sans lui. Les matelots que j'avais envoyés m'ayant rapporté qu'il demandait un officier du bord, je soupçonnai quelque malentendu, et j'allai moi-même à terre. Parvenu au rivage, je lui demandai pourquoi il n'était pas monté dans le canot. — Je ne l'ai pas jugé à propos, me ditil; vous auriez dû m'envoyer un officier me recevoir. — Cette prétention hors d'usage et de propos m'indisposa à un haut degré. — Le canot que je vous ai expédié et dont je viens de me servir, doit suffire, lui répondis-je, à l'envoyé

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d'un Gouvernement qui n'a pas même une pirogue à sa disposition. Une pareille vanité ne peut me convenir; et si vous avez reçu l'ordre de venir prendre mes déclarations, vous pouvez vous embarquer avec moi; mais aucun officier ne vous accompagnera pour revenir à terre: vous êtes maintenant le maître de prendre le parti qui vous conviendra. —

      Voyant que je le prenais sur ce ton, il fit gauchement des excuses, motivant sa conduite sur ce qu'il avait été mal reçu par d'autres capitaines. Enfin, il se décida à venir à bord, et après avoir rempli sa mission, je le renvoyai à terre, sans autre cortége que les canotiers. J'avais été d'autant plus récalcitrant avec ce républicain, qu'il jouissait d'une mauvaise réputation, et qu'il avait été tout récemment accusé d'assassinat. Je n'avais donc pas été fâché de trouver l'occasion de lui manifester mon peu de considération.

      Lorsque, le lendemain, j'allai au Présidio,

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le Commandant-Général, après quelques instants de conversation, me demanda si je pou vais lui vendre une embarcation; attendu, me dit-il, que le port n'en avait aucune, et qu'il ne pouvait s'en passer.Je m'imaginai que le repreche que j'avais adressé la veille à Ramirez avait principalement provoqué cette demande, qui venait d'autant plus à propos, que j'avais à bord tous les matériaux nécessaires à la construction d'un canot de vingt-quatre pieds, que je me proposais de faire faire, pendant mon séjour à San-Diego. J'y accédai donc, et à l'instant, nous convînmes du prix de l'embarcation, dans l'état où elle était. Si je mentionne un fait de si peu d'importance, au premier abord, c'est qu'il me causa, quelques jours après, un véritable regret.

      Dès San-Pedro, j'avais été informé que le navire américain le Franklin, capitaine Bradshaw, soupçonné d'avoir fait la contrebande dans le Golfe de Cortez, se trouvait, à San-

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Diego, dans une espèce d'arrestation; c'est-àdire, que le Commandant-Général ne lui permettait de suivre le cours de son commerce en Californie, que sous des restrictions très-gênantes: entre autres obligations imposées au capitaine Bradshaw, il s'était vu contraint à débarquer dans les magasins du Gouvernement une partie de marchandises, évaluée à treize mille piastres (65,000 fr.), pour répondre des droits qu'il pourrait avoir à payer par la suite.

      Tout néanmoins paraissait s'arranger, lorsqu'un vagabond, nommé William Sinson (je regrette de dire qu'il appartenait à la même nation que le cruel Mayordomo de Santa-Barbara), que le capitaine Bradshaw avait eu l'humanité de recueillir à son bord où il l'avait nourri et habillé, se présenta au Général, et déclara, sous serment, que le Franklin avait fraudé les droits à Loreto et à San-José-del-Cabo, introduisant dans sa dénonciation beaucoup

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de faits vrais ou faux qui compromettaient grandement le capitaine.

      Les choses en étaient là, lorsque nous arrivâmes à San-Diego; mais j'ignorais encore ce dernier incident, quand le Général m'acheta le canot en question. Je n'eus pas plus tôt appris que l'on se disposait à mettre une garnison à bord du Franklin, et que l'on prenait des précautions pour l'empêcher de sortir du port, que je sentis combien j'étais malheureux d'avoir conclu un marché qui pouvait nuire au capitaine Bradshaw, en donnant au Général le moyen de transporter des troupes à son bord. Dans la nuit même, j'allai à bord du Franklin: je fis part de ma position au Capitaine, et je lui promis d'user de tous les moyens pour retarder la livraison de l'embarcation.

      Cette affaire alla de mal en pis, et la discussion s'échauffa au point que l'on tâcha de s'emparer du Capitaine, et qu'on menaça de faire feu sur lui, lorsqu'il s'éloignait, dans son ca-

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not. Enfin, le Général prétendant l'obliger à débarquer toute sa cargaison, il résolut de sortir du port, quoiqu'il pût arriver. Dans la nuit du 10, le Franklin changea de mouillage, et vint se placer en appareillage près de nous; ce qui mit tout le Présidio en rumeur.

      Le 11 au matin, une troupe de cavaliers se présenta en face du Héros, et s'arrêta près de la tente où travaillaient nos charpentiers. Mes hommes hissèrent aussitôt le signal convenu pour me demander; et m'étant rendu à terre, je trouvai le Général lui-même entouré de son état-major. Il me dit qu'il désirait que je lui livrasse le canot que je lui avais vendu et dont il avait le besoin le plus pressant, sans me dire quel usage il en voulait faire. Bien préparé à cette demande, je lui répondis que je jugeais cette embarcation inutile pour son service, parce que je ne pensais pas pouvoir la garnir d'avirons. — Tâchez, me dit-il, de lui en trouVer, vous me rendrez un service éminent. —

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Pour ne pas éveiller ses soupçons, je lui promis d'en chercher; mais, dans le fond du cœur, j'étais bien résolu à n'en pas trouver avant le départ du Franklin.

      Au moment où j'allais retourner à bord, un aide-de-camp me tira à l'écart et tâcha d'obtenir de moi une de mes embarcations montées, pour aller porter, me dit-il, une lettre à bord du Franklin: cette tentative, dont je devinais le véritable but, fut encore inutile. — Dites au Général, lui répondis-je, que, vu la position où se trouve ce navire, je ne puis, sans me compromettre vis-à-vis de mon Gouvernement, et vis-à-vis celui des Etats-Unis, lui accorder sa demande. Si le Général veut user de violence, il peut, sous sa responsabilité, s'emparer de mes canots lorsqu'ils viennent à terre; mais je ne les lui prêterai pas dans cette circonstance. — Cependant, pour lui en éviter la tentation, je me rembarquai et je retournai à bord.

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      Au bout de quelques heures, je lui écrivis que mes efforts avaient été inutiles; que je n'avais pu trouver de rames pour l'embarcation, sans dégarnir mes autres canots; et, qu'en conséquence, celle-ci, sans avirons, ne pouvant lui être utile, je le priais de regarder la vente comme non avenue. Je gagnai ainsi une partie de la journée, espérant, d'un moment à l'autre, voir le Franklin appareiller; mâis il ne le fit pas.

      Le lendemain, de grand matin, je reçus une lettre du Général, qui me priait instamment de lui livrer l'embarcation, dans l'état où elle était, me rappelant la parole donnée. Il n'y avait plus moyen de reculer sans me compromettre moi-même. Je la fis donc conduire à terre; mais, comme elle faisait de l'eau, (1), et qu'elle avait besoin d'être calfatée, je la fis


      (1) Le calfat du bord, entrant dans mes vues, avait eu soin de rendre la chose évidente.

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haler sur la plage pendant que la marée était haute, de sorte qu'elle resta à sec à une distance assez considérable de la mer.

      Cependant on avait découvert dans le fort quatre avirons de galère de 50 pieds de longueur, qui étaient là depuis l'arrivée des Espagnols. Les charpentiers du Présidio se mirent en devoir de les diminuer et de les réduire à une proportion convenable; mais, pendant qu'ils étaient encore dans l'incertitude, s'ils les rogneraient par la pelle ou par la poignée, le capitaine Bradshaw qui était bien disposé, fila son câble, et, larguant toutes ses voiles, il fit route pour sortir du port, laissant officiers et soldats ébahis, et ne pouvant comprendre comment un navire qui, une minute auparavant, semblait si bien fixé sur ses ancres, avait si complètement changé de situation dans un clin-d'œil.

      J'aurais pu dire ici par quelles ingénieuses manœuvres le capitaine Bradshaw avait su ca cher son dessein aux yeux cependant attentifs

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des officiers mexicains; comment ses voiles, qui paraissaient aussi bien serrées sur leurs vergues que dans un jour de parade, se trouvèrent tout-à-coup déployées, sans qu'aucun homme eût l'air d'y mettre la main, et par quel moyen le navire, qui présentait l'avant vers l'intérieur du port, se retourna, comme un homme, du côté opposé; mais je laisse au spirituel Fenimore Cooper à rendre, avec une vérité si attachante, ces scènes nautiques dont la peinture n'appartient qu'à lui, si ce n'est cependant encore à l'auteur du Négrier (1).

      Le Franklin ne pouvait sortir sans passer à moins de deux cents toises du fort, distance à laquelle de bons canonniers auraient pu lui faire beaucoup de mal. Dès que la garnison eut connaissance de sa manœuvre, elle commença un feu qui dura pendant les 20 minutes nécessaires à ce navire, d'abord pour atteindre le point le plus critique, et puis pour s'éloigner hors de la


      (1) M. E. Corbière, rédacteur du Journal du Havre.

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portée du canon. Trente-six ou quarante boulets qui lui furent tirés dans cet intervalle ne lui causèrent d'autre avarie apparente que la chute du clin-foc dont la drisse fut coupée (1). Le capitaine Bradshaw eut un tort en cette occasion; ce fut de riposter de deux boulets en passant. Ainsi fut terminée une discussion qui avait répandu l'alarme dans toute la Californie.

      Vers la fin de juillet, je reçus la réponse du Padre Prefecto qui me remerciait de mes offres.

"Je suis résolu, me disait-il, à n'abandonner le troupeau que le Ciel m'a confié que lors-que l'on emploiera la violence pour m'en sé parer. J'ai fait à Dieu le sacrifice de moi même, de ma liberté et de ma vie, pour le salut de mon ame: je ne voudrais pas faire un pas qui ne fût dirigé vers ce but. J'ai écrit à


      (1) Nous trouvâmes plus tard ce navire aux Iles Sandwich. Les artilleurs mexicains avaient été plus adroits que nous ne l'avions d'abord pensé: il avait reçu deux gros boulets dans le corps et deux autres dans la mâture, qui avaient nécessité le changement de la grand'vergue et de la vergue de misaine.

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"tous mes subordonnés pour leur manifester mon opinion et les engager à suivre la même ligne de conduite. Ce serait autre chose, si, au lieu de me chasser d'ici, on voulait m'o bliger à faire quelque chose contre le témoi-gnage de ma conscience: qu'advienne alors ce que J.-C. disait à ses disciples: Si on vous persécute dans une ville, fuyez dans une autre.

      (Cette lettre m'ôtait tout espoir d'avoir les Padres pour passagers; car je savais bien qu'ils n'agiraient pas contre les principes de leur évêque ou de celui qui en remplissait les fonctions. Je changeai donc de plan, et, pour employer le navire, je résolus d'embarquer, pour les Iles Sandwich, autant de chevaux que me le permettrait le nombre de pièces à eau que je pourrais me procurer. J'étais informé que ces animaux s'y étaient toujours bien vendus, et je n'avais que peu de frais à faire pour leur nourriture. J'occupai de suite l'équipage à couper du foin dans les environs, et je chargeai

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une personne de confiance de m'acheter les chevaux , pendant que l'on disposait les futailles, et que les charpentiers mettaient la dernière main au canot neuf.

      Le 25, tout était prêt pour le départ; le foin et l'eau étaient à bord, les chevaux achetés et prêts à embarquer: j'avais réglé mes comptes avec le Général et avec la Douane. Nous nous disposions à dire un éternel adieu à la Californie, lorsqu'un incident, qui m'oblige encore à revenir sur M. R...., apporta quelques jours de retard à notre départ. Il m'en coûtait beaucoup de laisser derrière moi la somme assez forte qu'il avait en son pouvoir, et quoique je ne fusse pas responsable de cette perte, ce n'était pas sans regret et sans hésitation que je me voyais obligé de quitter la Californie, sans l'avoir recouvrée. Cependant je n'avais aucune nouvelle de cet inexplicable personnage, qui avait laissé passer de beaucoup l'époque fixée par lui-même pour son retour.

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Je pouvais le croire perdu; mais j'attribuais plutôt son retard à l'étourderie et à la légèreté de son caractère qui pouvaient encore l'avoir porté à changer ses projets. Il ne me restait plus que quelques marchandises, rebut de la cargaison. Les vivres que j'avais renouvelés à Lima se consommaient tous les jours: n'ayant plus que fort peu de biscuit, il m'avait fallu acheter de la farine dans les Missions à un prix très-élevé, afin de pouvoir atteindre les Iles Sandwich où j'étais sûr de me procurer du biscuit à bord des baleiniers qui y viennent en relâche. Je ne pouvais donc rester plus-longtems à attendre M. R...., et encore moins aller à sa recherche dans la saison où nous étions. Ainsi, j'avais, comme on l'a vu, repoussé toute incertitude, quand le Waverley parut. Contre mon espoir, M. R.... n'était pas à bord. J'appris, par le rapport du Capitaine et par les lettres que lui-même m'adressait, tout ce qui lui était arrivé, depuis son départ de Monterey.

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Mes présomptions s'étaient vérifiées. Toutes les valeurs qu'il avait emportées étaient dilapidées, dissipées, par suite de son imprudente conduite et de son incapacité.Je me félicitai d'avoir pris mon parti, et il ne me restait plus qu'à suivre mon projet, le seul qui convînt à la circonstance et qui fût dans l'intérêt des armateurs.

      Le Waverley ramenait le capitaine, le subrécargue et l'équipage du navire anglais le Teigne-Mouth de Calcutta. La perte totale de ce bâtiment dans la baie de San-José-del-Cabo, pour avoir voulu y opérer un chargement de chevaux dans le mois juillet, est une confirmamation de ce que j'ai dit des saisons de la BasseCalifornie: un ouragan du Sud-Est l'y avait surpris à l'ancre, et l'équipage ne s'était sauvé que miraculeusement de cette épouvantable catastrophe.

      Le subrécargue et le Capitaine vinrent à mon bord et me demandèrent passage pour eux et leurs gens jusqu'aux îles Sandwich. Je n'eus

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d'autre objection à leur faire que la difficulté de me procurer un supplément d'eau; mais le subrécargue ayant obtenu quelques barriques à bord des autres navires, nous convînmes du prix très-modéré du passage; et le 27, nous abandonnâmes définitivement la Californie où nous avions passé près de deux ans.

      La traversée n'offrit rien de remarquable: le dix-septième jour, nous fûmes à vue de l'île de Wahou. Nous nous dirigeâmes sur la partie Sud-Est de cette île; c'est la Pointe des Cocos. Tout ce côté paraît d'abord aride, mais en s'en approchant, on y découvre bientôt de la verdure et des habitations. La pointe s'avance d'une manière prononcée dans le Sud-Est; et puis, la côte tournant brusquement vers l'Ouest, forme une baie peu profonde, de deux lieues de circuit, terminée par le Diamond-Hill (Montagne du Diamant). Cette montagne peu élevée est d'autant plus remarquable, qu'elle est isolée sur le bord de la mer, et qu'elle se montre sur un

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terrain bas, à une lieue des premières élévations de l'intérieur. Sa forme, bien circulaire, et tronquée horizontalement, est celle d'un cratère de volcan: il n'y a aucun doute qu'elle ne doive son origine à un de ces foyers ignivomes: on trouve sur son sommet un étang d'eau douce, peuplé d'excellent poisson.

      A l'Ouest de la pointe des Cocos, l'île prend , un aspect plus riant: les montagnes coupées par de profondes vallées sont couvertes de forêts dans un état permanent de végétation. Aussitôt que nous eûmes passé le Diamant, nous nous trouvâmes en face d'un magnifique bois de cocotiers, dont les larges feuilles prêtent leur ombrage au joli village de Witite ou plutôt de Waytité (1), où l'on mouillait ordinairement avant l'établissement du port d'Ana-


      (1) Je ne me piquerai pas d'écrire les mots sandwichiens d'une manière très-exacte; je suivrai plutôt la prononciation que l'orthographe.

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roura, situé une lieue plus à l'Ouest. Nous rangeâmes, à un mille de distance, les récifs qui bordent la côte, sur une profondeur de huit à neuf brasses, et nous vînmes jeter l'ancre par onze brasses en face du port, où nous remarquâmes plusieurs navires.

      Il est rare que l'on puisse entrer à Anaroura dans le milieu du jour. Le canal très-étroit qui y conduit est une ouverture tortueuse dans le récif, de deux milles de longueur. Si l'on n'a pas un vent favorable, ce qui arrive très-rarement, il faut attendre le calme du matin pour s'y faire remorquer par des embarcations. Cette difficulté a consacré à Anaroura un usage qui se rattache encore à la fraternelle alliance des marins entre eux. Le jour qu'un navire doit entrer dans le port, les canots de tous ceux qui s'y trouvent sont rendus avant le lever du soleil à sa disposition. Le capitaine qui se refuserait à ce touchant procédé se couvrirait de honte, aux yeux de tous les autres. Le port

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d'Anaroura est un canal sinueux, où quatrevingts navires peuvent être amarrés en sûreté, sur un fond de vase qui varie de trois à six brasses.

      Lorsque le navire fut fixé à son poste, nous fimes un salut de treize coups de canon qui nous fut immédiatement et exactement rendu par le fort. Je fus ensuite présenté au jeune roi Kaou-Kéaouli ou Taméha-Meha III. Il était chez le régent Boki, assis, sans autre distinction , sur un fauteuil semblable à celui qu'on m'offrit. Il était vêtu tout simplement en blanc, portant au cou un collier jaune composé des graines du vaquois. Ce n'était même pas, comme je le pensai d'abord, une marque distinctive, car beaucoup des habitants, hommes et femmes, en avaient de semblables.

      Ce jeune prince, âgé alors de dix-sept ans, avait l'air mélancolique: il était d'une physionomie intéressante. Sa figure portait quelques marques des ravages de la petite-vérole. Sa cou-

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leur était un marron rembruni. Il parla peu et m'examina long-tems. J'avais à bord les portraits du Roi son frère et de la Reine, morts à Londres en 1824: je les lui fis offrir par mon interprète. Il les accepta, sans montrer d'abord une grande sensation; ce ne fut que quelques jours après, que les lui ayant fait porter, il fut frappé de la ressemblance parfaite et de la beauté de l'exécution. Pendant plusieurs jours, ces deux tableaux excitèrent la sensibilité de tous les habitants qui montrèrent, à cette occasion, par de véritables larmes, l'attachement qu'ils portaient à leurs souverains. Presque toutes les femmes se firent casser les deux incisives de la mâchoire supérieure, signe de deuil, en usage dans ces les , à la mort du Monarque.

      La maison où je trouvai le jeune Roi était, comme je viens de le dire, celle du régent Boki. Elle présentait à l'extérieur la même apparence que toutes celles qui composent la ville d'Anaroura. L'intérieur, pareillement tapissé de naítes,

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n'en différait que par les meubles européens, distribués dans tous les coins de l'appartement et mêlés avec ceux du pays. Rien ne me parut plus bizarre que de voir un magnifique vase de porcelaine, de fabrique française, faisant le pendant d'une calebasse, ouvrage de la nature; deux beaux lits jumeaux, garnis de rideaux de gazebrodée, avec des nattes pour édredon; deux superbes glaces à cadres dorés, destinées à réfléchir la beauté, ornée de tous les attraits d'une toilette élégante, et ne renvoyant que l'image d'une peau noire, à demi-vêtue d'un sale Tapa.

      Quoiqu'il en soit, cette demeure eût été propre et décente, si elle n'avait pas été si remplie de chefs et de domestiques, étendus sur les nattes et si rapprochés les uns des autres, qu'on ne pouvait y faire un pas sans mettre le pied sur quelqu'un; à peine y avait-il un espace libre, suffisant pour quatre à cinq personnes. Le Roi, n'étant encore qu'un enfant, le régent Boki était la personne la plus considérable de l'Etat;

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il était toujours entouré des principaux chefs de l'Archipel, dont une partie vivait à ses dépens.

      On s'imaginerait, en les voyant, que I'autorité est en raison directe de la grosseur; car les plus élevés en pouvoir sont aussi les plus chargés d'embonpoint; et comme ils sont généralement grands, nous ne paraissions auprès d'eux que des pygmées. J'ai souvent demandé la cause de cette extrême obésité des chefs, et on l'a toujours attribuée au défaut d'exercice et à l'abondance de la nourriture. Cela pourrait être pour quelque chose à l'égard de la grosseur; mais pourquoi seraient-ils plus grands ? Il y a quelque raison de croire qu'ils ont une autre origine quele menu peuple, et qu'ils descendent de conquérants de ces îles, comme les Seigneurs féodaux de la France du Moyen-Age descendaient des Chefs Francs qui envahirent les terres des Gaulois; ou comme les Saxons, et plus tard les Normands, qui devinrent, par la con-

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quête, les nobles privilégiés de l'Angleterre. La tradition, mêlée de fables, qui fait la base de l'histoire des îles Sandwich, semble indiquer qu'elles furent conquises, à une époque très-reculée, par des étrangers d'une race différente de celle de leurs premiers habitants. Ce qui peut encore appuyer cette conjecture, c'est qu'ils n'ont pas le même caractère de figure. Le profil de la plupart des chefs, au lieu d'offrir une coupe droite ou même avancée comme celui des autres Indigènes, présente une ligne concave, de manière qu'en appliquant une règle sur le front et sur le menton, elle toucherait à peine le nez.Je n'ai pas toutefois la prétention de donner comme certain un fait aussi peu constaté. Pour Kaou-Kéaouli, il avait une physionomie tout-à-fait indigène: il était affligé d'être maigre, etl'embonpoint des autres était pour lui un motif continuel de jalousie.

      Parmi les chefs et les courtisans qui entouraient le Roi et le Régent, et qui encombraient

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la maison, les uns étaient vêtus à l'Européenne, c'est-à-dire qu'ils portaient un pantalon et une chemise blanche; d'autres étaient enveloppés d'un tapa, pièce d'étoffe fabriquée dans le pays avec l'écorce du mûrier à papier; mais la plupart étaient nus, n'ayant autour du corps qu'un Maro, bande de toile si étroite, qu'elle est presque toujours insuffisante à l'usage auquel elle est destinée.

      Quelques femmes portaient des robes et avaient les cheveux peignés à la manière de nos dames; mais le vêtement le plus ordinaire du sexe est une chemise blanche (je parle de la couleur), large et flottante. La princesse Boki ayant accompagné son mari à Londres, lorsqu'il y vint avec le roi Rio-Rio, a plus de goût que les autres pour le costume européen, et elle était aussi beaucoup mieux mise qu'elles.Toutes conservent une pièce de leur parure nationale; c'est un collier de plumes, ordinairement rouge, vert et jaune, qu'elles portent, tantôt autour

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du cou, et tantôt sur la tête, en forme de couronne; cette dernière manière leur sied à merveille.

      Presque tous les voyageurs se sont plu à parer les femmes des divers archipels de la Mer du Sud de tous les charmes de la beauté.Je ne puis parler de celles des Iles Marquises et des Iles de la Société; mais, s'il faut en juger par les Sandwichiennes auxquelles ils ont prodigué les mêmes louanges, je suis obligé de dire qu'elles sont loin du portrait qu'ils en ont tracé. Cependant il est impossible de ne pas convenir qu'elles possèdent ces grâces naturelles qui, sans tenir lieu de traits fins et réguliers, d'un teint blanc et délicat, ont du moins un attrait presque irrésistible. Tous leurs mouvements sont aisés et arrondis; toutes leurs attitudes ont un abandon enchanteur; mais c'est surtout dans leurs regards que se rencontre une séduction indéfinissable.

      La liberté dont elles jouissent les rend étran-

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gères à la peine et à la contrainte: de là un état de paix constant qui se manifeste dans toutes les habitudes du corps. Si les orages du cœur leur sont connus, ils ne peuvent être que trèspassagers, parce que nul obstacle ne les accumule. L'inconstance est comme la base de leurs mœurs, et elles ignorent l'ennui qui naît d'une union mal assortie. Disposées à s'amuser de la moindre bagatelle, on ne voit jamais sur leurs lèvres que le sourire, et leur bouche ne s'ouvre jamais pour prononcer un refus. Il n'est donc pas étonnant que l'étranger, qui a trouvé près d'elles un accueil si facile, se laisse aller à la flatterie, quand ce ne serait que pour relever et embellir ses conquêtes.

      Quelques jours après notre arrivée, le jeune Roi ayant désiré voir le Héros, nous lui fîmes préparer une petite collation, et il y vint accompagné du Régent et d'une nombreuse suite. Kaou-Kéaouli but avec plaisir de bonne liqueur et mangea de nos pâtisseries avec avidité. Nous

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remarquâmes même qu'il ne toucha pas au poé (1) qu'il se fait toujours apporter partout où il va; il préféra notre bon pain. Lorsqu'il fut dans son canot, on le salua de treize coups de canon, politesse dont il fut très-flatté.A son retour à terre, sa garde l'attendait sur le quai: elle se composait d'une vingtaine de jeunes gens de bonne mine, vêtus simplement, mais d'une manière uniforme: pantalon blanc, veste bleue, chapeau rond, fusil, baïonnette et giberne.

      La maison du Roi est placée dans la même enceinte que celle de Boki: elle est aussi de la même forme et de la même grandeur: c'est toujours un toit très-élevé, soutenu sur des côtés fort bas et inclinés en dedans. Cette forme donne à ces demeures de bois et de paille, beaucoup plus de solidité que si les côtés qui sou-


      (1) Sorte de pâte composée avec la racine tubercuIeuse du taro.

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tiennent le toit étaient perpendiculaires. Le Roi possède une autre maison construite selon les règles de notre architecture; mais il ne l'habite jamais et préfère celle de chaume. En effet, ces sortes de logements conviennent mieux à leurs mœurs. Ils aiment à s'étendre sur des nattes; ils s'y laissent tomber au premier endroit où l'envie leur en vient, et passent ainsi la plus grande partie de la journée couchés pêle-mêle sur ces tapis de jonc. Il n'en serait pas de même dans des appartements meublés comme les nôtres, où il leur faudrait un canapé pour chaque personne. Le jeune Roi ne couche même dans sa grande maison de chaume que lorsqu'il fait mauvais tems: quand la nuit est belle, il habite une petite hutte où l'on ne peut entrer qu'en rampant et à peine assez grande pour contenir quatre personnes assises ou couchées. Sa jeune Cour imite son exemple; chacun élève sa petite cabane auprès de la sienne; et, toutes ensemble forment un camp

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autour de la maison principale, qui ne lui sert guère que de garde-meuble.

      Le Roi et le Régent ne sont pas les seules autorités principales de l'Archipel: une femme du fameux Tameha-Meha, la reine Kaou-Manou, y exerce un grand pouvoir, au moins de fait, s'il n'est de droit. Elle a sa cour particulière et sa coterie à part. Elle demeure à la ville pendant l'hiver, et passe l'été dans une jolie vallée, à une lieue à l'Est d'Anaroura. J'allai un jour la voir, avec le consul anglais, à son habitation composée de deux maisons principales et de plusieurs cabanes.

      Nous la trouvâmes assise sur des nattes et appuyée sur des coussins recouverts en soie. Elle nous marqua beaucoup d'intérêt, mais elle nous reçut avec dignité. C'était une femme de cinquante-deux ans, qui paraissait avoir eu beaucoup d'embonpoint. Une santé détruite par des excès bien connus avait produit chez elle une vieillesse prématurée, qui ne lui lais-

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sait guère d'espoir d'une longue existence. Aussi le parti du jeune Roi prenait-il patience, en attendant que la mort de Kaou-Manou, qu'on supposait prochaine, vînt le délivrer de son joug féminin. Elle était vêtue d'une robe de soie grise et avait à la tête un madras, à la manière de nos Créoles. Peu de chefs importants l'entouraient, excepté Kaou-Noua, Colonel commandant les troupes, qui est parvenu à ce rang éminent par son mariage avec une des Princesses; mais des femmes de la plus haute distinction étaient auprès d'elle, toutes remarquables par leur grande taille et leur embonpoint excessif.

      Je vis parmi elles une jeune femme de vingt ans à laquelle on donnait le titre de Princesse. A cet âge, elle était parvenue à un tel degré d'épaisseur, qu'il lui eût été impossible de marcher sans aide. Elle représentait assez bien cet énorme phoque, l'éléphant de mer, que sa pesanteur fait rester des semaines entières à la

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même place où son corps mollasse se prête en s'affaissant à toutes les inégalités du terrain (1).

      Ces femmes et ces chefs ont même plus d'un rapport avec l'amphibie auquel je les compare: de même que le phoque, si lourd, si apathique, sur les rochers et les rivages qu'il habite, est doué, dès qu'il se retrouve dans l'eau, d'une souplesse et d'une vivacité surprenantes; ainsi ces hommes et ces femmes, si pesants sur leurs nattes, sont les nageurs les plus adroits et les plus intrépides.

      Nous les avons vus souvent, couchés à platventre sur une planche de six pieds de long et de quinze pouces de large, attendre, à plus d'un mille au large du village de Waytité, la vague la plus formidable, de manière à lui présenter les pieds, la tête tournée vers le rivage:


      (1) En lisant, à mon retour, l'intéressant voyage de M. J. Arago, j'ai trouvé qu'il s'était servi de la même comparaison.

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et, dans cette position, nageant des pieds et des mains pour diriger adroitement leur planche et la tenir constamment sur le devant de la lame, se faire pousser ainsi, en quelques minutes, avec la rapidité de la flèche, jusqu'à terre où la vague venait mourir. Mais si, secondés par une adresse inconcevable, ils font ce trajet avec tant de vitesse, il leur faut encore bien plus de talent, s'ils veulent recommencer; parce qu'alors ils ont à vaincre la vélocité et la violence de toutes les vagues qui se succèdent, et c'est par-là qu'on peut juger s'ils sont bons nageurs. Pour surmonter cet obstacle, ils n'ont d'autre moyen que de plonger à travers chaque lame qui déferle, de nager vivement aussitôt qu'elle est passée, et de renouveler la même manœuvre pour celle qui la suit, jusqu'à ce qu'enfin parvenus à la dernière, ils se laissent de nouveau voiturer jusqu'au rivage. Ils emploient aussi la pirogue au même divertissement; mais il faut savoir la conduire avec bien

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plus de dextérité encore, car le moindre coup de pagaye, donné à faux, suffit pour la faire chavirer. Au reste, un pareil incident n'a pour eux d'autre suite que de les livrer aux plaisanteries de leurs compatriotes, dont l'hilarité, si facile à exciter, est alors à son comble.

      Cet amusement que femmes et hommes savent également se procurer, pourrait être regardé comme l'analogue de nos montagnes russes, s'ils n'en avaient pas un autre beaucoup plus semblable encore. Au-dessus de la ville d'Anaroura, s'élève, à environ deux cents mètres, un vieux cratère de volcan, partout recouvert d'une terre légère et d'herbe: c'est un cône tronqué dont la section est concave, et que, pour cette raison, les Anglais, sans doute en honneur d'une douce habitude, ont appelé le Bowl de Punch. Le dernier conquérant des Iles Sandwich, Tameha-Meha, y fit monter, à force de bras, des canons de gros calibre qu'on y voit encore suspendus sur les pointes de lave qui

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forment le contour de la montagne, à peu-près comme le chamois sur les saillies du Mont- . Blanc. Le tyran, soupçonneux et rusé, sous prétexte de défendre l'entrée du port, s'était ainsi construit une citadelle d'où il pouvait, en cas de révolte, foudroyer les habitants de la ville.

      Dans la saison des pluies, lorsque la terrer était humide et grasse, les amateurs de l'exercice dont je veux parler, pratiquaient, du haut en bas de la montagne, sur son flanc qui est fort rapide, des rigoles en gouttières qui descendaient jusqu'à la plaine; et, après s'être, établis, le ventre sur un traîneau en bois, la tête , dirigée vers le bas, ils se laissaient glisser dans cette position, avec une vélocité dont on peut se faire une idée, en considérant que la pente de la rigole est au moins de cinquante-cinq degrés; aussi, lorsqu'ils arrivaient sur le terrain . plat, ils continuaient de glisser encore longtems et parvenaient presque jusqu'à la ville,

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avant d'avoir perdu l'impulsion que la rapidité de leur course leur avait imprimée.

      Je ne puis dire cependant que j'aie été témoin de ce divertissement, car il est défendu aujourd'hui, et plus tard j'en dirai la raison; mais il m'a été décrit par des personnes qui n'avaient aucun intérêt à me tromper et qui méritaient toute confiance. D'ailleurs, il n'y a là rien de plus surprenant que ce qui se pratiquait, je crois, sur le Mont-Cenis, avant que la tête forte d'un homme de génie y eût calculé des chemins et que sa puissante volonté les eût fait exécuter. Les Chiliens se servent encore aujourd'hui du même moyen pour descendre la Cordillière des Andes en hiver, lorsqu'elle est couverte de neige, avec cette différence que, dans les Alpes, on se servait de traîneaux, et que, sur les Andes, on se laisse glisser sur un cuir de bœuf.

View of the harbor and valley of Honolulu on the Island of Oahu

Vue du port et la vallée d'Anaroura dans l'île de Waho.
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XX.

Les Missionnaires Français et les Missionnaires Américains. — Cruautés et despotisme de ces derniers. — Voyage à Way-Aroua. — Scène imposante. — Cauchemar. — Excursions de Chasse. — Utilité des Iles Sandwich pour les Navigateurs. — De la garantie qu'il conviendrait de donner à cet Archipel. — Changements désirables dans leur Gouvernement. — Culture.—Voyage à Pearl-River. — Le Grand-Prêtre. — Les Baleiniers. — Le Bourreau. — La Traite des Pelleteries presque nulle aujourd'hui. — Les Causes. — Départ pour Canton.

      Dans les premiers tems de mon arrivée à Anaroura, j'allai voir les trois Missionnaires français que le navire la Comète y avait amenès quelque tems auparavant. Je les trouvai as-

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sez mal logés; mais ils me parurent supporter leur situation avec gaité et courage. Ils me racontèrent toutes les difficultés qu'ils avaient eues à se faire admettre, ajoutant que ce n'avait été que par une espèce de fraude qu'ils avaient pu éviter de se rembarquer, et que le capitaine, secondant à cet égard leurs vœux, avait mis à la voile au moment où on allait l'obliger à les reprendre.

      Lorsque, avant mon départ de France, le Ministre de la marine me parla de cette Mission, j'avais bien prévu que ces Messieurs ne seraient pas reçus aux Iles Sandwich sans une forte opposition, et que leur présence pourrait nuire à l'opération commerciale du capitaine qui s'en chargerait. Je savais que, depuis plusieurs années, des Missionnaires protestants y étaient établis et y jouissaient d'une grande faveur auprès de la vieille Kaou-Manou; cependant j'ignorais encore à quel degré de crédit ils étaient parvenus: ils ont su accaparer tellement

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l'esprit de cette femme, qu'elle ne voit que par leurs yeux et n'agit que par leur impulsion. Il était donc naturel de penser qu'ils ne verraient pas sans envie des Missionnaires de la foi catholique. Ce fut la seule raison qui m'empêcha d'accéder à la demande que me fit le Ministre, de les passer dans ces îles. La prudence me dictait un refus, bien justifié, quelque tems après, par la position où se trouva le capitaine qui les amena dans l'île de Wahou; puisque, pour éviter de les reprendre, il fut obligé de remettre précipitamment sous voile, sans pouvoir se livrer à aucun commerce.

      Malgré le pouvoir des Missionnaires protestants et les efforts qu'ils firent pour les empêcher de descendre à terre, et puis pour les renvoyer à bord, l'indifférence religieuse de Boki et quelques démarches du consul anglais firent en partie échouer leurs desseins: le départ précipité de la Comète fit le reste. Dès-lors, ils demeurèrent sans qu'on s'occupât beaucoup

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d'eux, évitant même avec soin tout ce qui pouvait attirer sur eux l'attention. Lorsque je les visitai dans leur solitude, ils se livraient sans relâche à l'étude de la langue du pays, afin de pouvoir plus tard déployer des ressources bien supérieures à celles de leurs rivaux, pauvres artisans qui ne savent guère que lire la Bible, mais qui ont l'avantage de pouvoir la traduire aux Insulaires.

      On ne peut nier cependant que ces Missionnaires américains n'aient beaucoup contribué à la civilisation de cet Archipel , tel que nous entendons ce mot; et si la pure doctrine chrétienne n'est pas la base de leurs instructions, ils ont du moins fait jouir ces peuples d'une partie des bienfaits du Christianisme, en leur enseignant la morale de l'Evangile. Ils ont su adapter au langage sandwichien l'alphabet ou partie de l'alphabet anglais, et ils ont réussi à leur faire lire et écrire leur propre idiome. Ils ont une imprimerie qui leur sert à transcrire en

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Sandwichien les ouvrages qu'ils jugent à propos de leur mettre dans les mains.

      Voilà tout ce que l'on peut dire en faveur de ces propagateurs du Méthodisme; mais les maux qu'ils ont causés sont au-dessus du bien qu'ils ont pu faire. Il est incontestable que, depuis qu'ils ont obtenu dans ces îles une certaine influence, la culture a diminué d'un tiers. Quel fléau peut être plus nuisible et plus destructeur?

      Au lieu de commencer à répandre le bienfait de l'instruction parmi une génération naissante, ils ont voulu amener dans leurs écoles la population entière: femmes et enfants, vieillards et adultes, tous ont été forcés de se rendre à leurs leçons, et d'y passer les journées entières, laissant leurs champs en friche, et leurs plantations dévorées par les mauvaises herbes. La perte de tems et l'abus ont été si considérables, que les canaux d'irrigation se sont presque partout obstrués; que les petits étangs où croit le taro se

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sont desséchés; et que les malheureux, effrayés à la vue du travail qù'il leur faudrait pour remettre leurs champs en rapport, les ont abandonnés. On voit de grands espaces de terrain où des restes de chaussées, déjà presque arrivésauniveau dusol, témoignent d'une manière incontestable que là il y avaitjadis des champs cultivés.

      Ces Missionnaires obtiennent tous ces sacrisices, au moyen duTabou, qui est une loi ou perpétuelle ou momentanée, que les insulaires se hasardent bien rarement à transgresser. Par l'influence de Kaou-Manou, ils obtiennent du Roi des Tabous pour tous leurs désirs; ils en obtiennent pour bâtir leurs églises, leurs maisons, leurs clôtures, leurs murailles, etc. Dans ces occasions, toute la population est obligée de remplir la tâche prescrite. C'est encore un Tabou qui peuple les écoles. Ces Tabous en faveur des Missionnaires, n'empêchant pas le Roi, la Reine et les chefs d'employer le même moyen pour leurs propres travaux, il s'ensuit

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qu'une grande partie de l'année est dévorée de · cette manière. De là, la rareté des aliments et la difficulté de nourrir sa famille: de là, le peu de désir d'avoir des enfants, et la diminution sensible qu'éprouve la population de cet Archipel.Avant que les Européensy apportassent les produits de leur industrie, les chefs particulièrement et le peuple en général se faisaient moins de besoins; les premiers exigeaient moins de corvées, et la culture florissait. La seule coupe de bois de Sandal occupe toute l'année, pour le compte des Grands, un quart ou un tiers de la population.

      Les propagateurs Méthodistes sont aussi des espèces de commerçants qui savent tirer parti de leur influence pour faire des bénéfices. Ils ont de petits navires destinés, disent-ils, à communiquer d'une île à l'autre, dans le seul intérêt de ce qu'ils appellent la religion; mais ces paquebots portent des marchandises et reviennent chargés de bois de Sandal. Ils sont beaucoup

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plus puissants encore dans les autres îles qu'à Wahou même. L'un de ces Missionnaires se laissait complaisamment donner le titre de Roi à Otowaï. Plusieurs navires y ayant relâché dans ces derniers tems, pour s'y procurer des raffraîchissements et surtout des pommes de terre qui y étaient ordinairement abondantes , ils ne purent en trouver un seul sac: parce que le Roi ayant remarqué que, lorsqu'il venait des navires dans son île, ses affaires souffraient un échec, avait défendu de cultiver cette racine, afin qu'elle ne fût plus un attrait qui amenât des étrangers chez lui et lui donnât des concurrents dangereux pour son trafic.

      Nous avons vu des cruautés exercées par les Missionnaires américains, sous le masque de la religion , contre des insulaires rebelles à leurs volontés; des cruautés, dis-je, au moins comparables à celles que l'on a reprochées aux inquisiteurs de l'Espagne et du Portugal. On me fit voir une jeune femme de dix-huit ans, dont

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le cou, le corps et les membres étaient sillonnés de cicatrices que les fers y avaient imprimées. Son crime, me dit-on, était d'avoir fui un mari que les Méthodistes lui avaient donné. Quel attentat! pour une pauvre Sandwichienne, qui n'avait jamais eu d'autre idée sur le mariage que celles de ses père et mère, c'est-à-dire d'être fidèle jusqu'à ce qu'il lui convînt de ne plus l'être!

      Mais il paraît que les Iles Sandwich ne sont encore qu'à la première période de cette espèce de dépérissement: celles de la Société, soumises depuis plus long-tems au Méthodisme, sont parvenues, en suivant le même système, à un état de délabrement et d'abandon tel, qu'elles ne comptent peut-être pas le tiers de la population qu'elles avaient au tems où Cook les visita. Lorsque ce grand navigateur s'y présenta, les vivres s'y trouvaient en abondance, et les champs étaient dans un état si prospère de culture, qu'à peine pouvait-il s'y procurer

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du bois à feu: aujourd'hui, les forêts ont pris la place des jardins, et les bois se sont avancés jusqu'au bord de la mer. Les habitants, diminués des deux tiers, ne connaissant plus le bonheur que par tradition, fuient et émigrent de toutes parts, cherchant un sol qui les nourrisse et des lieux où les Missionnaires américains ne soient pas parvenus.

      En calculant un peu les probabilités, on est amené à conclure que les moyens moraux de nos Missionnaires français doivent au moins compenser les moyens matériels et intéressés de leurs compétiteurs. Dès qu'ils seront assez versés dans la langue sandwichienne pour pouvoir déployer leurs ressources oratoires, il devra nécessairement s'engager un combat entre les apôtres des deux religions. Cette époque sera sans doute celle de la mort de la reine KaouManou, protectrice des réformés. Si, avant cette catastrophe, les catholiques savent profiter de l'opposition des deux Cours, pour ob-

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tenir l'appui du jeune Roi, ils triompheront fa· cilement de leurs rivaux: sinon, il pourrait bien arriver que les uns et les autres fussent chassés, parceque leurs principes sont également opposés aux mœurs et aux passions de la Cour.

      Un des principaux griefs de Kaou-Kéaouli contre les Missionnaires américains , c'est qu'ils se sont opposés à son mariage avec sa sœur qu'il aimait beaucoup. Ces nœuds que nous repoussons étaient en usage dans l'archipel des Iles Sandwich; mais Kaou-Manou re· doutant le pouvoir et l'influence d'une reine jeune et belle, s'est servi du prétexte de la religion pour déconcerter cette alliance; et, pour faire oublier ce désir à Kaou-Kéaouli, elle a séparé les deux jeunes gens, en envoyant la Princesse dans l'ile de Mauwi où elle la tient confinée. Il est arrivé aux Iles Sandwich ce qui a presque toujours eu lieu en Europe, dans les minorités. Ceux qui étaient intéressés à conser-

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ver l'autorité cherchaient à prolonger l'enfance de l'héritier du trône. Ils l'entouraient de séductions et de plaisirs faciles, afin qu'au milieu de la dissipation, il oubliât sa destinée et les devoirs auxquels l'appelait sa naissance. Ils retardaient, par tous les moyens possibles, le moment d'une émancipation qui devait leur enlever le pouvoir. Trop heureux le peuple, quand la corruption du cœur du Monarque n'était pas le résultat de ces honteuses manœuvres!

      Avant de terminer cet article sur les Missionnaires méthodistes, je dirai encore que ce sont eux qui ont fait défendre les glissades du Bowl de Punch, tout innocentes qu'elles étaient. Il faudrait applaudir à cette mesure, si elle eût été amenée par quelque grave accident et qu'elle eût été un effet de leur humanité; mais non: c'est que les principes extérieurs et hypocrites qu'ils professent sont d'une très-grande rigidité. Selon eux, aucun divertissement ne

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peut être légitime, parceque tout le tems qui n'est pas employé au travail, au sommeil ou aux repas, doit être consacré à la prière ou à la méditation dans le temple. Ils ont poussé la rigueur jusqu'à vouloir faire tabouer le bain, aussi nécessaire à la santé d'un Sandwichien que sa nourriture ou que l'air qu'il respire. C'est ainsi qu'en refusant à l'homme tout exercice récréatif, on affaiblit son corps, et que l'on appauvrit son esprit pour mieux le dominer.

      Je vendis à Anaroura ce qui me restait de marchandises, en échange de bois de Sandal. L'arrimage de ce bois à bord du navire est long et minutieux, si l'on ne veut pas perdre de place. Après avoir lesté le navire au sixième de son tonnage, on commence à arrimer par les deux extrémités; on empile par tranches les morceaux de même longueur,jusquesous le pont, et l'on introduit ensuite dans chaque tranche tout ce que l'on peut y mettre de morceaux en les y enfonçant avec force, au moyen du maillet.

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      Pendant que cette opération se poursuivait à bord du Héros, j'acceptai l'offre que me fit le consul anglais de faire un petit voyage dans le Nord de l'île, à bord d'une goëlette qui lui appartenait et qui allait prendre du bois de Sandal dans un lieu appelé Waï-Aroua.

      Nous partîmes à trois heures de l'après-midi, et, pour doubler la pointe des Cocos et la partie orientale de l'île, nous louvoyâmes jusqu'au lendemain midi que, nous étant suffisamment élevés au vent, nous laissâmes arriver au NordOuest, pour nous rendre à notre destination.

      Pendant quelque tems, la chaîne de montagnes qui paraît traverser l'île de l'Est à l'Ouest, et qui, du côté d'Anaroura, s'abaisse doucement en formant de belles vallées, présenta du côté du Nord où nous nous trouvions une muraille abrupte servant de barrière à une plaine de deux à trois lieues, qui s'étendait depuis le bord de la mer jusqu'au pied de ce sévère escarpement. Bientôt les montagnes tournant

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brusquement vers le Nord s'avancent jusqu'au bord de la mer, ne laissant plus entr'elles et le rivage qu'un très-petit espace où sont partout élevées un grand nombre de cases.

      Nous étions à moins d'un mille au large, et nous rangions la côte par un tems sombre et pluvieux. Le soleil, près de se coucher du côté opposé, laissait dans l'ombre toute la partie qui s'offrait à nos regards.Je ne crois pas qu'il soit possible d'imaginer quelque chose de plus imposant que ce qui frappait notre vue en ce moment.

      Ces masses énormes, suspendues sur nos têtes, se composaient d'affreux et immenses précipices se dominant les uns les autres, de forêts impénétrables élevées par étages sur d'autres forêts, d'obscurs ravins dont on frissonnait de mesurer la profondeur, de pentes rapides et glissantes, de rochers nus et humides, mêlant leur couleur noirâtre au vert sombre de ces vieux bois. De hautes et bruyantes cas-

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cades, après avoir parcouru des centaines de toises, venaient tomber sur la cime des arbres où ces torrents se brisaient en écumant et se réunissaient de nouveau pour retomber encore, jusqu'à ce que quelque fissure du rocher leur offrît un lit pour les conduire plus doucement à la mer. Si l'on ajoute que les progrès du bâtiment changeaient pour nous et variaient incessamment cette scène, on pourra se faire une idée d'un pareil spectacle; mais il faut l'avoir sous les yeux; il faut voir ces nuages épais, tantôt immobiles au-dessus des forêts qu'ils inondent de leurs déluges, tantôt tournoyant avec rapidité, monter, descendre perpendiculairement, au gré du vent qui, derrière ces montagnes, souffle en tourbillonnant; il faut les voir, dans un cahos continuel, se mouvoir, disparaître et se remontrer sous une forme nouvelle, à mesure qu'on avance, pour bien sentir tout ce que ce tableau avait pour nous de magique et de mystérieux.

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      Ces montagnes s'ouvrent de distance en distance, comme si une main puissante les eût écartées avec effort, et d'étroites vallées bien peuplées serpentent dans leurs déchirures. Un grand nombre de pirogues de pêcheurs se montraient près de nous: on appela une de ces légères embarcations pour avoir un pilote qui nous indiquât le port de Waï-Aroua (des DeuxRuisseaux). Le pêcheur nous le fit voir, à quelques milles devant nous, et nous ne tardâmes pas à y pénétrer, par une ouverture assez large du récif, où nous ne trouvâmes pas moins de quatre brasses d'eau.

      Il était presque nuit lorsque nous descendîmes à terre où nous fûmes reçus par le Chef du village, qui nous invita à souper et à coucher chez lui. Nous fîmes venir du bord quelques provisions et nous ajoutâmes quelques bouteilles de vin à l'excellent poisson qu'il nous offrit.

      Quoique la maison où nous étions fût très-

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grande, elle suffisait à peine aux hôtes nombreux qui s'y trouvaient réunis, car nous n'étions pas moins de quarante personnes, hommes et femmes, sous ce toit hospitalier. Nous nous y étendîmes, comme les autres, sur des nattes; mais ce ne fut que bien avant dans la nuit que, mon compagnon le consul anglais et moi, pûmes nous endormir. Outre les insectes, volants, rampants ou sautants, qui nous tourmentaient, le Chef, après avoir récité, dans la langue du pays, une prière chrétienne, tint, avec quelques personnes, une conversation si longue, que, bien que je n'en comprisse pas un mot, cet éternel colloque ne m'en tint pas moins éveillé fort long-temps.

      Mon sommeil ne fut même pas tranquille: l'imagination encore remplie de la scène grandiose et sublime des montagnes, je rêvai que, cherchant à fuir un torrent qui me poursuivait, je m'étais réfugié sous la saillie d'un rocher qui se détachait et s'écroulait sur moi. Je me ré-

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veillai en sursaut, et je sentis, en même tems, sur ma poitrine, les deux talons d'un gros Sandwichien, mon voisin de lit, qui dormait profondément dans cette position et qui avait été la cause de mon cauchemar. Le jour paraissait; je pris mon fusil, dans l'intention de tuer quelques oiseaux, en me promenant. Je ne pus parvenir jusqu'au pied des montagnes: tout le terrain était coupé par un labyrinthe de champs de taro, séparés par des chaussées glissantes, couvertes d'une herbe haute et mouillée, sur lesquelles il était fort difficile de marcher, sans tomber dans ces espèces d'étangs bourbeux. Je ne tuai que quelques pluviers et un canard, et je revins au port. Notre petite goëlette fut chargée de bonne heure, et le soir, nous remîmes à la voile pour revenir à Anaroura.

      Pendant notre séjour aux Iles,Sandwich, j'allais souvent avec le docteur Botta, sur les montagnes et dans les vallées des environs, dans l'espérance d'obtenir quelques jolis oiseaux.

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Les espèces sont peu nombreuses, et les forêts si impénétrables, que ce ne fut qu'à force de persévérance, que nous pûmes nous en procurer quelques-unes. Nous cherchions particulièrement un joli frugivore dont la forme est assez singulière et dont les couleurs sont trèsvives. Cet oiseau, de la grosseur d'un moineau, a la queue et le bord des ailes noirs; tout le reste est du plus beau rouge, quelquefois mêlé d'un peu de jaune vers le dessous du cou, à la naissance des mandibules. La partie la plus remarquable de l'animal est son bec, d'un rouge pâle, de dix lignes de longueur, très-affilé et fortement recourbé dans toute son étendue. Les naturels appellent cet oiseau I-i-vi. Nous en tuâmes aussi un autre du même genre, plus petit et plus alongé; le bec est de la même structure, mais il n'est pas proportionnellement aussi long. Le plumage, mêlé de noir, de bleu et de rouge, produit une teinte généralement violette.

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      Nous en rencontrâmes un troisième de même espèce, mais de la grosseur d'un merle, dont le plumage est tout noir, à l'exception de quelques plumes jaunes sur les flancs. Les Sandwichiens font grand cas de ces plumes jaunes qui, avec le rouge de l'I-i-vi, leur servent à composer de très-beaux manteaux. Ce sont les seules espèces remarquables que l'on trouve dans les bois; on y voit encore des mésanges dont le plumage est plus ou moins mélangé de gris, de jaune et de vert.

      Dans les plaines, il n'y avait que des chouettes et des pluviers; encore ceux-ci n'y sont-ils que de passage.

      Sur les eaux douces, nous ne vîmes qu'une petite espèce de canard et des râles.

      Sur le rivage de la mer, nous trouvâmes un petit héron gris, des courlis, des alouettes de mer, des pies de mer et une berge à bec déprimé et à longues échasses. C'est le seul endroit, dans

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tout le voyage, où nous n'ayons pas rencontré de goëlans.

      Si, dans le règne des animaux des Iles Sandwich, les oiseaux ne sont qu'en petit nombre, les quadrupèdes indigènes y sont encore bien plus rares: hors le cochon, le rat et la souris, je n'en connais pas d'autre qui ne doive son origine à d'autres contrées: tels sont les chevaux, les vaches, les chèvres, les moutons, les ânes et les chiens. On dit qu'il n'y a dans ces îles ni serpents ni couleuvres.

      Les Iles Sandwich, au nombre de sept principales, dont la plus fertile est celle de Wahou, sont un point qui doit aujourd'hui fixer l'attention de toutes les nations qui ont une marine militaire et un commerce maritime. Elles semblent avoir été destinées, par la Providence, à devenir un entrepôt général entre l'Asie et l'Amérique, un lieu de repos et de rafraîchissement pour les marins, après de longues et périlleuses navigations; et enfin, un refuge pour les vaisseaux

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qui ont besoin de réparations, afin de continuer leur voyage.

      Leur population s'élevait, dit-on, à deux cents mille âmes, lors de la découverte; je ne crois pas qu'elle atteigne maintenant un chiffre supérieur à cent cinquante mille, en y comprenant les étrangers. La ville d'Anaroura, dans le Sud de Wahou, contient, me dit-on, six mille habitants; c'est la réunion la plus considérable de l'Archipel. Excepté quelques maisons à étages, construites en bois et en pierres par des étrangers, elle se compose de cases en chaume, plus ou moins grandes, dont le toit est très-élevé, pour lui donner plus de pente. La charpente est faite de troncs de jeunes arbres, parfaitement liés ensemble, sans le secours des clous. Elles sont toutes entourées de palissades en perches, de longueurs assez inégales, mais formant toujours des carrés ou des parallélogrammes.

      La douceur de caractère des Sandwichiens

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les fait aimer de tous ceux qui les fréquentent, et leur intelligence les rend propres à tout. Ils conviennent surtout à la navigation. Je n'exagère point en disant que ces îles possèdent au moins huit cents excellents matelots. Les baleiniers anglais et américains en prennent pour remplacer leurs morts et leurs déserteurs. Les navires qui vont traiter des pelleteries à la côte Nord-Ouest y complètent leurs équipages; et, ce qu'il y a de remarquable, c'est que ces hommes, nés sous la zone torride, supportent la température de cette côte glaciale plus facilement peut-être que les matelots de Boston. Les bâtiments du Roi, au nombre de sept bricks, n'ont de blancs à bord que le capitaine et les officiers; tout le reste est Sandwichien.

      C'est en présence du Commandant du fort que les marins indigènes s'engagent avec les ètrangers et que les gages sont fixés. Le capitaine déclare sous serment qu'il les ramènera dans leur pays; et, à son retour, il les paie de-

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vant le même Commandant qui retient une partie de leur solde pour le Gouvernement.

      Mais, pour que ces îles pussent être, pour toutes les nations maritimes, d'une ressource permanente, il faudrait, avant tout, que leur indépendance fût assurée par un traité ou convention entre tous les États intéressés à son maintien, et que le même traité établît pour toujours la neutralité des ports de cet Archipel, en tems de guerre. Nous ne sommes plus au tems où l'on s'emparait, sans scrupule et sans respect pour la propriété, de tous les pays que l'on découvrait. Un acte pareil exciterait aujourd'hui l'indignation de tout le monde chrétien et civilisé.

      Cependant, malgré l'empire de la saine philosophie et des idées libérales si généralement répandues, trois puissances redoutables ont tenté tour-à-tour, sinon de s'en emparer, du moins de s'y créer une suzeraineté coupable.

      L'une d'elles, la Russie, a même fait plus,

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il y a quelques années; et, sans la fermeté de Tameha-Meha, peut-être le monde eût-il eu à déplorer une grande violation du droit des gens. Peut-être les idées que je professe et qui sont conformes à l'opinion du monde entier, sontelles le seul rempart qui garantit les Iles Sandwich d'une seconde invasion de la part de cette puissance.

      Les Américains ont eu recours à des moyens plus doux. Ils y ont, comme nous l'avons vu, envoyé et y soutiennent des Missionnaires qui, sous le prétexte de la religion, poursuivent, prétend-on, un but plus mondain et plus politique; et, si une meilleure intelligence eût régné entre ces personnages et les consuls des Etats-Unis, ils seraient bien avancés dans leurs desseins. Heureusement pour les insulaires, ces ridicules apôtres de la secte méthodiste ne veulent partager leur influence avec personne; et, au lieu de s'être unis d'intérêt avec les consuls, ils paralysent réciproquement leurs moyens et se

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font le plus de tort qu'ils peuvent. Cette rivalité existe depuis qu'il y a aux Iles Sandwich des Missionnaires et des Consuls américains. L'animosité est poussée si loin que, pendant mon séjour, le diplomate, bien éloigné de vouloir faire de ses enfants des catholiques, en fit baptiser un par les Missionnaires français, dans la vue unique de mortifier ceux de son pays.

      D'un autre côté, l'Angleterre s'est déclarée protectrice des Iles Sandwich; et l'on n'avait pas besoin que Napoléon eût pris le titre de Protecteur de la Confédération du Rhin, pour savoir ce que signifient, en politique, les mots Protecteur, Protectorat, Protection. Vous entendez même quelquefois, des sujets britanniques, glisser dans la conversation quelques phrases, d'une prétendue donationfaite par Tameha-Meha au roi d'Angleterre, représenté par le capitaine Vancouver. Il est possible que ce savant navigateur ait été de bonne foi convaincu que le Sandwichien lui ait concédé, comme il

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le dit, l'île d'Owayï; mais ces deux hommes ne pouvaient s'entendre qu'au moyen de fort mauvais interprètes; aussi il est fort douteux que Tameha-Meha, qui avait tout sacrifié pour parvenir à la souveraineté de tout l'Archipel, en ait abandonné la plus vaste partie à un homme que, dans ses idées retrécies, il devait regarder comme un aventurier.

      Quoiqu'il en soit, l'Angleterre s'est montrée jusqu'ici libérale dans ses relations avec les Iles Sandwich, et il faut rendre à son consul, M. Richard Charleton, la justice de déclarer que, personne mieux que lui, ne sait allier ce qu'il doit à sa patrie, avec une philantropie digne d'éloges. Tout étranger, de quelque nation qu'il soit, est sûr de trouver chez lui protection et bon accueil.

      Il serait donc à désirer que chaque puissance maritime renonçât de bonne foi à toute domination ultérieure. Après cela, on verrait sans envie et même avec plaisir que l'Angleterre,

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qui sait si bien améliorer, s'occupât de la prospérité des Iles Sandwich. Une belle population, un climat délicieux, un terrain vaste et un sol fertile au plus haut degré, sont des éléments propres à y réaliser tous les rêves du bonheur, si - l'on pouvait y faire adopter de meilleures lois, et je crois que cela ne serait pas impossible. Je ne parle pas ici d'un code criminel ou d'administration: c'est de la loi fondamentale qu'il est question.

      Le changement se réduirait à faire, du gouvernement féodal actuel, un gouvernement purement monarchique. Cette révolution ne serait pas trop brusque et suffirait pour longtems. Le Roi seul y perdrait quelque chose. Les Chefs deviendraient une noblesse, privilégiée sous certains rapports, dont le principal serait une part plus avantageuse dans la distribution des terres. Le sol qui, jusqu'à ce moment, n'a appartenu qu'au Roi, serait réparti, en toute propriété, entre tous les habitants,

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sous la condition d'un impôt foncier. La succession héréditaire s'établirait, et chacun serait libre d'aliéner ses biens, sans pouvoir toutefois les vendre à des étrangers. L'abolition de la corvée serait une conséquence de cette révolution.

      Par ce moyen, chaque habitant ne se regardant plus comme le précaire cultivateur d'un morceau de terre, se sentirait animé d'un nouveau courage en fertilisant sa propriété, pour lui et pour ses descendants. La culture reprendrait un nouvel essor. Chacun étant libre de disposer de ses produits, le marché se fournirait mieux qu'aujourd'hui, et les étrangers, attirés par l'abondance, leur offriraient une facile défaite de leurs denrées.

      Ces idées que m'inspire le désir du bien-être d'un bon peuple, auraient sans doute besoin d'être élaborées par un meilleur législateur; mais, en avouant mon insuffisance, je persiste à croire que cette révolution, qui ne serait sen-

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sible pour la grande majorité, que dans ses heureux résultats, et qui, assurant irrévocablement les droits des Grands, leur donnerait vraiment plus qu'elle ne leur aurait ôté, je pense, dis-je, que si l'Angleterre voulait la provoquer, elle l'obtiendrait.

      Lorsque les Iles Sandwich furent visitées et non découvertes par Cook, il trouva les plaines et les vallées cultivées comme elles le sont aujourd'hui, et même beaucoup mieux; et, si ce peuple égaré par l'idolâtrie n'eût pas alors offert des victimes humaines à ses dieux imaginaires, on n'aurait pu, sans injustice, le classer parmi les nations sauvages; une population agricole ne doit pas mériter cette dénomination; car si les Sandwichiens montrèrent alors des dispositions barbares envers quelques navigateurs, il faut faire la part de la défiance que durentleur faire naître des inconnus qui venaient leur parler en maîtres, et dont la conduite ne justifia que trop souvent le ressentiment des In-

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sulaires. Cook lui-même n'a-t-il jamais rien fait qui pût provoquer leur vengeance?

      Leur principale culture était, comme aujourd'hui, celle du taró, plante à larges feuilles, dont la racine bulbeuse croît dans l'eau et produit un tubercule farineux, très-substantiel et d'une saveur agréable. On le mange de deux manières; simplement bouilli comme l'igname, ou réduit en une pâte mucilagineuse, qui se mange avec les doigts auxquels elle s'attache. Le taro ne vient bien que dans des espèces d'étangs où l'eau est continuellement entretenue par des canaux. Ces champs, séparés par d'étroites chaussées, s'élèvent en amphithéâtre les uns au-dessus des autres, et l'eau qui en a arrosé un, coule ensuite dans celui qui est audessous. Presque tous ces étangs servent en même tems de réservoirs où les cultivateurs élèvent de jeunes mulets qui y grossissent trèspromptement et sont d'un goût délicieux. C'est le meilleur poisson que l'on puisse se procurer,

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mais il est presque toujours réservé pour les Chefs.

      Vers la fin d'octobre, je profitai de la même goëlette qui m'avait conduit à Way-Aroua pour aller voir un village appelé Pearl-River, situé à l'Ouest d'Anaroura. Je m'y embarquai encore avec M. Charleton, et nous sortîmes du port avec une forte brise du Nord-Est. Nous avions avec nous le ci-devant Grand- Prêtre de l'ile qui, au tems de Tameha-Meha, avait toute la confiance de ce Prince et jouissait d'un crédit qui s'est presque anéanti depuis l'arrivée des Missionnaires. Néanmoins, il conserve encore beaucoup de considération parmi ses concitoyens, et ils ne lui donnent jamais d'autre titre que celui de Roi qui lui avait été conféré par Tameha-Meha. On nous dit que c'était un homme d'une haute probité et de grands moyens; cependant nous ne pûmes guère en juger, car il fut tellement ivre tout le tems qu'il resta avec nous, qu'eût-il eu cent fois plus d'esprit et de

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raison, ni l'un ni l'autre n'auraient pu résister aux nombreuses attaques qu'il leur avait portées toute la journée. Ce prêtre ne peut plus vivre de son autel abandonné; il était venu au port pour obtenir quelques présents de Boki, et celui-ci, plutôt par politique que par générosité, et pour fermer la bouche à Chalchas, lui avait donné huit cents piastres. Il avait converti cette somme en étoffes et en liqueurs fortes, et je pense, qu'à son retour chez lui, il ne dut lui rester que bien peu de toutes ces provisions, car il avait distribué les unes à sa nombreuse suite et bu les autres pendant le voyage. Ainsi se termina une de ces visites périodiques du Grand-Prêtre, toujours embarrassantes pour les Chefs auxquels il pourrait reprocher d'avoir abandonné la religion de leurs pères, et qui ont toujours à redouter un soulèvement en faveur du culte des Idoles.

      Au bout d'une heure et demie de navigation, nous nous trouvâmes en face de Pearl-River,

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et nous y donnâmes par une large ouverture du récif où il n'y a que huit à neuf pieds d'eau. Ce défaut de profondeur empêche de faire usage d'un lieu qui, sans cela, serait un des plus beaux ports de l'univers. A peine a-t-on passé ce point peu profond, que l'on se trouve dans un canal d'un mille de largeur, où partout l'on trouve de dix à vingt brasses d'eau. Notre goëlette devait prendre un chargement de sel devant un petit village qui se trouve près de l'entrée; mais le Grand-Prêtre ayant désiré qu'on le conduisît plus près de sa demeure, nous ne nous y arrêtâmes pas, et nous continuâmes à remonter le port qui s'élargit encore et se divise en plusieurs branches, toutes aussi larges et aussi sainesque celle que nous suivions. L'une se dirige vers le Nord-Est, une autre au Ouest-Nord-Ouest, et celle sur laquelle nous naviguions, au Nord-Ouest. Les terres où serpentent ces canaux sont basses et unies, et sur les bords, elles sont taillées à pic comme des quais.

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      Nous nous avançâmes ainsi, près de trois lieues, dans l'intérieur; et, après avoir débarqué le Pontife, sa suite et son bagage, nous revînmes mouiller près du village de l'entrée. Nous allâmes à terre avec un interprète indigène nommé Tupia, qui m'accompagnait dans toutes mes excursions. Nous entrâmes chez le Chef que nous trouvâmes assis près de sa femme, dans une cabane très-propre, dont ils occupaient à eux seuls presque la moitié: à en ju- ger par leur taille et leur embonpoint,'ils devaient être fort nobles. Ces braves gens nous reçurent comme des amis de l'enfance, et ne négligèrent rien pour nous faire faire un bon souper; et en effet, on nous servit bientôt un excellent repas, et surtout de ce délicieux mulet qu'on pourrait appeler poisson domestique, cuit avec tant de perfection, que lorsqu'on le retira des feuilles de bananier où il avait été étuvé, il avait à peine reçu une légère altération dans sa forme et dans sa couleur.

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      Nous passâmes la nuit dans cette petite maison, hommes et femmes, étendus pêle-mêle, comme dans l'Age-d'Or, sur des nattes. Le lendemain matin , nous allâmes voir les salines qui font la richesse de ce village. Nous admirâmes la propreté et le talent avec lequel le sel y est · fabriqué. L'eau de la mer, qui arrive par de jolis canaux pour se répandre dans les divers carrés où elle se cristallise, a la limpidité et la transparence du diamant; aussi, le sel qui s'y forme le dispute-t-il à la neige pour la blancheur: on ne pourrait que lui nuire en le raffinant.

      Après le déjeuner, qui fut aussi succulent que le souper de la veille, nous laissâmes la goëlette prendre son chargement, et nous étant fait transporter de l'autre côté du port, nous effectuâmes notre retour à Anaroura, à pied, en chassant, comme nous l'avions projeté. Nous ne tuâmes que quelques pluviers, seuls habitants ailés des plaines de corail blanc en partie

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revêtu d'herbe, que nous eûmes à traverser. Nous dinâmes au village de Mawona-Aroua (Montagne-Double), qui occupe, à une lieue au Nord-Ouest d'Anaroura, une jolie vallée, ombragée par un grand bosquet de cocotiers, et nous fûmes de bonne heure à la ville.

      Les mois d'octobre et de novembre sont l'époque où les navires baleiniers anglais et américains, qui ont passé l'été à la côte du Japon, viennent aux Iles Sandwich rafraîchir leurs équipages et remettre leurs bâtiments en état de reprendre la mer, soit pour retourner chez eux, si leur pêche est finie, soit pour la continuer, s'ils ne sont pas chargés. Il en arriva en effet un grand nombre appartenant à ces deux nations.

      On ne peut s'empêcher de faire une grande différence entre les uns et les autres. Les Américains n'emploient pas pour cette pêche de navires au-dessus de quatre cents tonneaux. Ils arrivent tous dans un état de malpropreté et de

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délabrement qui prouve peu d'ordre et de soin. Les Anglais, avec des bâtiments beaucoup plus grands et d'un entretien plus difficile, parceque ce sont presque tous de vieux navires de guerre rehaussés, se présentent au contraire sous un aspect de propreté et de rangement qui fait plaisir.Nous avons vu des baleiniers américains rester huit jours dans le port sans mettre leurs voiles, toutes mouillées, au sec, et d'autres les laisser pendant plusieurs jours battre au vent, sans les serrer. Les pièces à huile, dans les navires anglais, sont arrimées à mesure qu'elles se remplissent, et on ne les touche plus jusqu'à l'arrivée en Angleterre. Les Américains sont obligés de les monter au moins une fois sur le pont pour les rebattre; sans cette précaution, ils perdraient la moitié de leur cargaison. C'est que les premiers ont perfectionné leurs fûts, et que les armateurs de Boston et de Nantuket suivent une vieille routine qu'ils ne veulent pas réformer.

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      Mais si je conviens que les baleiniers anglais montrent plus de goût et de capacité dans la tenue de leurs navires, une fois arrivés aux Iles Sandwich, tous rivalisent dans leurs dispositions à la débauche. Anglais ou Américains, chefs ou matelots, tous ont les mêmes mœurs. Aussitôt qu'ils mettent le pied à terre, on ne voit plus dans les rues que des hommes ivres; on n'entend plus que des querelles et des disputes. C'est un spectacle pour les Sandwichiens: vous les voyez courir en criant vers les endroits où les Yankis et John Bull vident leurs différends. Les capitaines, souvent plus ivres que leurs marins , surviennent; ils veulent les renvoyer à bord; ceux-ci résistent; les capitaines frappent; quelquefois les matelots ripostent; tous criaillent à la fois; les God Damn et les Damnation sont le tonnerre; les coups de pied et les coups de poing sont la grêle; les Blak Eyes sont les ravages de la foudre. Ce n'est que bien avant dans la nuit que cet orage s'apaise pour

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recommencer le lendemain. Peu de ces navires font leur voyage sans avoir de mutinerie ou de révolte; mais il y a tout lieu de croire que si les capitaines et les officiers étaient plus sobres, les matelots seraient plus soumis et plus paisibles. Chaque jour le Consul anglais était obligé d'en faire punir par la main du bourreau.

      En général, et à très-peu d'exceptions près, les étrangers qui sont établis aux Iles Sandwich sont la lie de toutes les nations: ils y ont apporté tous les vices. Il y en a toujours un grand nombre autour du jeune Roi qui le corrompent et lui donnent de mauvais conseils. Parmi eux se trouvent plusieurs échappés de Botany-Bay qui ont encouru la flétrissure en Angleterre. Le Consul le sait bien, mais il n'a aucun moyen de s'opposer à cet ordre de choses. Cependant, pour l'honneur de son pays, il ne devrait pas souffrir que le bourreau fût un de ses compatriotes.

      L'époque qui amène dans cet Archipel les na-

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vires baleiniers anglais et américains y rappellent aussi ceux qui traitent les pelleteries à la côte Nord-Ouest, et dont bien peu se décident à passer l'hiver sur ces rivages de glace. Il en arriva quatre dans le mois d'octobre, qui avaient absolument manqué leur opération. L'un d'eux, la Louisa, de Boston, y était resté un hiver et deux étés, et n'avait pu s'y procurer que huit cents peaux de castor et cent vingt peaux de loutre: encore ces dernières lui · avaient-elles coûté huit fois ce qu'elles valaient, dix ans auparavant. Il paraît que ce commerce, naguère si productif, est entièrement perdu. Les naturels se dégoûtent de leurs relations avec les blancs. Toujours en guerre entre eux 2 ils sont devenus plus sauvages et plus intraitables que jamais: ils ne pêchent plus la loutre que pour leurs besoins. Dans les années 1827 et 1828, la traite de dix navires n'avait pas fourni la moitié des peaux de loutre qu'un seul pouvait acheter autrefois en trois mois; et celles

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qu'ils avaient obtenues, ils les avaient payées quatre ou cinq fois plus cher. Aussi, tous ceux qui revinrent aux Iles Sandwich pendant mon séjour à Anaroura, furent obligés de vendre à l'encan tout ce qui leur restait de leurs objets de traite. J'avais été moi-même conduit à employer le même moyen pour me défaire de trois cents fusils. Ils furent poussés en vente publique à une piastre cinq réaux la pièce (environ 8 fr. 60 cent.); mais le capitaine de la Louisa, un mois après, ne trouva des siens que sept réaux (4 fr. 35 c.) La mauvaise qualité de ces armes, tirées de Liége, la grande quantité qu'on en a apportée, et l'annihilation du commerce de la côte Nord-Ouest d'Amérique, sont les causes de la dépréciation de cet article (1).

      Les mauvaises dispositions des Indiens de la


      (1) Les fusils de Liége que j'avais à bord du Héros étaient si mauvais, malgré leur brillante apparence, qu'en les essayant à la simple charge de poudre, il en crevait plus de la moitié.

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côte Nord-Ouest d'Amérique se sont manifestées d'une manière tellement grave, que les Russes, ne pouvant plus résister à leurs attaques, sans augmenter la garnison de leur établissement de Sitka, ont préféré l'abandonner. Le capitaine Muke, qui revenait de cette colonie, me dit, qu'à son départ, ils étaient résolus à le transférer à l'ile de Kodiak et à brûler tout ce qu'ils ne pourraient pas emporter.

      Les habitants de ces côtes ont toujours été dépeints comme très-féroces, par les navigateurs qui les ont fréquentés; cependant, au moyen de quelques précautions, on pouvait traiter avec eux. Il y avait même des peuplades où l'on trouvait les dispositions les plus franches et les plus amicales. Les chefs étaient ordinairement esclaves de leur parole. D'où vient donc qu'ils sont devenus si insociables aujourd'hui? Faudra-t-il encore en accuser la conduite des capitaines qui y sont allés depuis quelques années?

      C'est la rougeur sur le front que je me pro-

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nonce pour l'affirmative. Loin de reconnaître et d'encourager chez les indigènes cette bonne foi, si précieuse surtout dans un commerce de traite, les navigateurs dont je parle ont été les premiers à leur donner l'exemple de l'infidélité. Ils ont cherché, par toutes sortes de ruses, à les tromper, tantôt sur la quantité, tantôt sur la qualité des objets d'échange; ils sont allés quelquefois jusqu'à user de violence pour s'emparer de leurs pelleteries; enfin, ils n'ont rien omis de ce qui pouvait exaspérer les naturels; et le funeste mot représaille, unefois écrit sur l'avant de leurs pirogues comme sur le pavillon étoilé de l'Union, le règne de la confiance afini pour toujours.

      Les navires baleiniers et ceux du commerce de la côte Nord-Ouest ne furent pas les seuls qui relâchèrent aux Iles Sandwich pendant notre séjour: des bâtiments de diverses nations y passèrent en se rendant de toutes les parties de la côte occidentale de l'Amérique, en Chine, à Manille, et dans les autres ports de l'Inde.

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Quelques jours avant notre arrivée, la corvette de S. M., la Bayonnaise, commandée par M. Le Gouaran de Tromelin, en était repartie pour visiter l'île de Vanikoro, où l'on avait récemment découvert des indices du naufrage de M. de Laperouse. Cette corvette, par sa bonne tenue et la conduite décente de son équipage, avait laissé dans l'esprit des Sandwichiens · une haute idée de la marine française: ils ne tarissaient pas sur les éloges qu'ils donnaient au commandant et aux officiers. Ces rapports, qui me flattaient comme Français, m'étaient particulièrement agréables, comme ami de plusieurs de ces Messieurs.

      Au commencement de novembre, le navire était chargé et nous étions prêts à faire voile pour Canton. Je ne voulus pas quitter Anaroura, sans être fixé sur les prétendus pouvoirs que s'était arrogés M. R....; et, pour ma responsabilité, je priai les Consuls anglais et américain d'être présents à l'explication que je vou-

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lais avoir avec le régent Boki auquelje demandai une conférence à ce sujet. Un Espagnol, nommé Marini, établi dans ce pays depuis nombre d'années, s'y trouva aussi comme interprète du Gouvernement. Il est inutile de rapporter tout ce que j'appris dans cette assemblée: il suffira de savoir que M. R...., en agissant au nom de ce Gouvernement, avait joué le rôle d'un chevalier d'industrie et d'un intrigant. Je me fis délivrer les preuves écrites de sa mauvaise foi, signées par le Régent, les Consuls d'Angleterre et des Etats-Unis, et l'Interprète.

      Le 15, au matin, le navire fut mis en appareillage. Le Roi voulut nous accompagner jusqu'en grande rade. Lorsque nous larguâmes les voiles, tous les navires du port, ainsi que ceux du Gouvernement, nous saluèrent de tous leurs canons, et nous leur répondîmes de sept coups de caronade. Parvenus hors des passes, Kaou-Kéaouli nous fit ses adieux, et nous primes aussitôt le large.

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NOTES:

      The complete texts id Duhaut-cilly's two volume work from the mid-1830's has not been translated into English. The two chapters presented here were translated using the Google Translate utility. In some cases the result has been altered for improved readablity by the editor.

Link to Google Books edition used for the selection translated and transcribed for this page.

AUGUST DUHAUT-CILLY,
1790-1849


Note:

The following biography of Auguste Bernard Duhaut-cilly is largely a Google Translation from a French work from mid-nineteenth century. A shorter account of the life of Duhaut-Cilly may be found at the French Wikipedia site:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Auguste_Duhaut-Cilly


Auguste Bernard-Duhautcilly.*

      Bernard-Duhautcilly (Auguste) was born in Saint-Malo on March 26, 1790. Like his other brothers, he was destined to embrace the career of the Navy, and on February 25, 1807, he embarked as a volunteer on the privateer the Revenant, commanded by the famous captain Surcouf, who went to the Ile-de-France. In various engagements which took place during this first campaign, he manifested a bravery of which Surcouf was pleased to tell the interesting features. Surcouf having made a second campaign in the Bay of Bengal, left the Revenant and entrusted it to his second captain, Joseph Potier. This last cruise was signaled by the capture of the Portuguese vessel of 64, the Conceçdo. The young Duhautcilly distinguished himself by his bravery and deserved praise from Captain Potier.

      He embarked in 1808 aboard the Young Henry, Captain Perrot; he was a sign. The privateer found himself on the harbor of Aden, where he had to support a fierce fight against Arab ships; Auguste showed an admirable coolness. Perrot retired with honor from this meeting and captured one of these enemy ships.

      In 1809 he undertook as a lieutenant a voyage to Batavia, on the Venus, an adventurer ship, Captain Lavaux. On her return and when she reached anchorage, the ship was caught by the boats of the British frigate Boadieea, which was blockading the French colony. Promptly exchanged with his companions, he re-embarked second captain on the ship Y Hirondelle; but here again, fatality caused him to fall in the midst of an English division stationed around Bourbon Island, recently conquered by the enemy. His captivity was short-lived, and he was returned to the government of Ile-de-France.

      General Decaen admitted him as a second class aspirant and sent him under the command of Captain Ripaud de Montaudevert, captain of an imperial flute who had taken refuge at Mahébourg in the Grand-Port.

      On the night of August 14-15, 1810, the enemy frigates having surprised the few soldiers who garrisoned on the island La Passe, seized the fort and became masters of the vast bay which he defended the entrance. One of the frigates came to anchor within and safe from the fortress. Once possessors of the entry, the English sent every day a hundred armed men to worry our settlements, defenseless in this part of the island; the sailors of the flute were armed and joined by detachments of the frigates anchored at the port Napoleon, to which some inhabitants had gathered. Duhautcilly had occasion to distinguish himself in several meetings.

      The division of Major Duperré forced the pass and cast anchor before Mahebourg. Duhautcilly the aspirant received several missions from General Decaen, who came to establish his headquarters in the presence of the field of battle; he always acquitted himself with intelligence and bravery.

      Captain Ripaud de Montaudevert having been obliged to sink his flute, the staff and the crew were distributed, after the memorable battle of the Grand-Port, on the buildings of the division. Duhautcilly embarked on the conquered frigate Nereide, commanded by the second of the Minerva, M. Roussin.

      The victorious frigates and their catch had returned to the port Napoleon, working to repair their damage, when the first days of December the English naval army and a formidable convoy were reported: a line was formed embossing French frigates, and the Officers and sailors not employed on board, formed landing companies to oppose the 28,000 men the English sent against the colony.

      General Decaen capitulated and our aspirant embarked on December 11, 1810, on the parliamentarian Lord Castlereagh, who brought back the division chief Duperré and one of his brothers, officer of the commander.

      In 1812, on November 2nd, he was embarked on the frigate YAréthuse, Captain Pierre Bouvet; this officer had the frigate Rubis, Captain Ollivier, under his command. The small division sailed from the mouths of the Loire, on November 26, for a cruise in the ocean. She released to the Delos Islands, on the African coast, to refuel. After making a few catches, the frigates were attacked by a terrible gale of wind, which caused the rupture of their cables and pushed them on the reefs whose coast is dotted. The Rubis was lost. Thanks to the skill of Captain Bouvet's maneuver, the Arethusa was left to have her rudder disassembled and the frigate was able to return to the open sea.

      The English frigate Amelia, captain of Herby, was wet in the ground of a group of islands which hid her from the French division; all the time that the two frigates remained in the vicinity, she was careful not to show herself. But as soon as she heard of the event that happened to our frigates, she sailed to take over the crews of the frigates. As she was leaving her retreat, Arethusa was finishing up her rudder. The brave Captain Bouvet, far from waiting for him, sailed to join her and to engage in a murderous combat, because the crew of this frigate was reinforced by the crew of a brig of war of 20 guns which the Aréthuse had forced to run aground and get burned.

      Bouvet was victorious, and Herby took advantage of the superiority of his frigate to escape Arethusa. Mr. Duhautcilly gave a brilliant description of this fight in the newspaper La Vigie of 1839.

      Returning to Saint-Malo, the frigate l'Aréthuse passed under the command of the division head Le Bozec, and, meeting the frigate Illirienne, Captain Dubuisson, undertook a new cruise, during which they learned the peace treaty. So, they made their return to Brest. Here finishes the military career of the 1st class candidate Auguste Duhautcilly. He learned with regret that, presented by his former chief to obtain the cross of the Legion of Honor, Minister Decres had not wanted to reward the value deployed by the aspirants of the Arethuse.

      Withdrew by his own desire for service, he ordered successively several commercial buildings and went to all parts of the world to show the flag of France. Finally, in 1826, he commanded the Hero, intended for a circonvallation navigation. During this perilous voyage, Captain Duhautcilly took rank among the famous navigators who made the tour of the world. He described his discoveries in a two-volume work that was very popular and is often quoted by our scholars.

      His health having suffered considerably, he quit the maritime career altogether and returned to civilian life.

      He settled at Saint-Servan, where the esteem of his fellow citizens soon led him to take part in the municipal administration. His great experience of business, his aptitude for work and a zeal supported by an unlimited devotion to the interests of his adopted city, made him accept the functions of mayor of this city, which he was indebted to a crowd of improvements that earned him the esteem of his constituents. However, yielding to very honorable susceptibilities, after several years of his duties as chief magistrate, he thought it his duty to resign them, preserving the position of municipal councilor until his death. Finally, regretted and honored by his fellow citizens, he gave the last sigh on October 26, 1849.

      In 1830 the July government repaired the injustice done to him by Minister Decres: M. Duhautcilly received the cross which he had so well deserved.


* Source:

Charles Cunat.
      Saint-Malo illustré par ses marins: précédé d'une notice historique sur cette ville depuis sa fondation jusqu'à nos jours.
Rennes: Imprimerie de F. Péalat, 1857.
485 pages

Source.


Duhaut-cilly, Auguste Barnard.
      Voyage Autour du Monde, principalement A la Californie et aux Iles Sandwich, pendant les années 1826, 1827, 1828, et 1829;
Par A. Duhaut-Cilly, Capitaine au Long-Cours, Chevalier de la Légion d'Honneur, Membre de l'Académie d'Industrie Manufacturière, Agricole et Commerciale de Paris.
Tome Second.
Paris, Chez Arthus Bertrand, Libraire, rue Hautefeuille, 25;
Saint-Servan, Chez D. Lemarchand, Libraire.
1835.
pp. 241-325.

      These chapters from Volume 2 are found in the volume available at the Internet Archive, and Google Books.


Last updated by Tom Tyler, Denver, CO, USA, Nov 11 2021.

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